ABREGE DE LA VIE DE JEAN BART
Il est certainement, de tous les
illustres marins français, celui qui jouit de la plus grande popularité en
France et en Europe.
Il est entré de son vivant dans la
Gloire et De son vivant, ses exploits fabuleux ont revêtu un caractère
légendaire.
L'historien dunkerquois Faulconnier,
qui le connut personnellement de très près, trace de lui ce portrait :« Il avait beaucoup de bon sens,
l'esprit net et solide, une valeur ferme et toujours égale. Il était sobre,
vigilant et intrépide ; aussi prompt à prendre son parti que de sang-froid à
donner des ordres dans le combat, où on l'a toujours vu avec cette présence
d'esprit si rare et si nécessaire en de semblables occasions. Il savait
parfaitement son métier, et il l'a fait avec tant de désintéressement,
d'approbation et de gloire, qu'il n'a dû sa fortune et son élévation qu'à sa
capacité et à sa valeur. »
JEAN BART, Chevalier de
l'Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, Chef d'Escadre des Armées navales du
Roi, commandant la Marine royale à Dunkerque, est né à Dunkerque
Son père et
son grand-père étaient marins et corsaires ;
Sa grand'mère
paternelle était fille de
l’illustre corsaire Michel Jacobsen, Amiral général d’Espagne, surnommé « le renard de la mer ».
Son père et son grand père tous deux capitaines
corsaires sont décédés suite à des blessures reçues en combattant les anglais.
Fils de Cornil Bart et de Catherine Janssen.
Jean Bart est né le 21
octobre 1650.
Il fut baptisé le 22 octobre 1650 par l’abbé Choquel en
l’église saint Eloi.
L'enfance de Jean Bart n'eut rien de particulier, ou du moins l'histoire
n'en mentionne rien.
En 1662 « légende ou réalité ».
Au mois de juin Jean Bart s'embarqua pour la première fois, il avait
alors douze ans, sur un navire nommé « le cochon gras » qui faisait de la contrebande entre
Flessingue et les côtes d'Angleterre et d'Irlande. Son patron était un Picard
violent et emporté, du nom de Jérôme Valbué.
Jean Bart resta quatre ans avec lui.
En 1666
Jean Bart s'engager comme matelot au
service de la Hollande durant la seconde guerre entre les anglais et les
hollandais.
Jean Bart, qui n'avait pas 17 ans,
faisait partie de l'équipage de la caravelle expédiée de Calais par le comte de Charost,
lieutenant-gouverneur de la Picardie, pour conduire à l'escadre hollandaise de
Ruyter les chevaliers d'Harcourt-Lorraine, de Coislin, de Cavoye et le baron de
Busca, autorisés par Louis XIV à servir sous le pavillon des Provinces-Unies.
6 aout 1666
Jean Bart reçoit le baptême du feu dans une circonstance où les volontaires
français, cités précédemment, rendirent à la République Batave un service plus
considérable que si Louis XIV lui eut envoyé toute une flotte.
En 1667
Le 20 juin 1667, Ruyter fit l'expédition de Chatham qui terrorisa
l’Angleterre et décida les Anglais à conclure la paix de Breda, le 31 juillet
suivant.
Jean Bart prit part à cette expédition, puis, la paix signée, il demeura en
Hollande sous le commandement de
Ruyter pendant plus de cinq ans, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de vingt et un ans.
Il devait y naviguer sur des différents bateaux.
En 1672
Le 7 avril, la France et l'Angleterre publièrent simultanément leur
déclaration de guerre aux États généraux.
Jean Bart était à ce moment second lieutenant à bord du brigantin
flessinguois « le Canard Doré »,
capitaine Swœlt.
Il n'hésita pas, aussitôt qui apprit que la guerre venait d'être déclarée,
il résolut de retourner à Dunkerque.
Il quitta « le Canard Doré » avec Charles Keyser, son compatriote
et ami pour rejoindre Dunkerque.
Lorsque Jean Bart et son ami Charles Keyser arrivèrent à Dunkerque, les
armateurs des vaisseaux corsaires, se
préparaient à entrer en campagne.
Jean Bart ne fut pas embarrassé de trouver un emploi.
Il était à peine revenu qu'il
s'embarqua sur le Saint Pierre, Capitaine Guillaume
Doorn, comme matelot; son ami Keyser s'embarqua sur le même navire.
Rapidement remarqué par ce capitaine corsaire de renom il est engagé comme
lieutenant sur « l’Alexandre. »
par ce même Guillaume Doorn.
Du mois d'avril 1672 jusqu'à la fin de 1673,
Jean Bart courut ainsi la mer du Nord et la Manche et fit si bien apprécier ses
qualités de marin et de soldat que, dès le commencement de la campagne de 1674,
il se présenta des armateurs pour lui offrir le commandement d'un bâtiment armé
en course.
Il avait alors vingt-quatre ans.
En 1674
le premier bâtiment dont Jean Bart eut le commandement fut une galiote armée de deux canons et montée par trente-six
hommes ; elle se nommait « le Roi
David ».
Dès Mars Jean Bart sur « le
Roi David » et son ami, Charles
Keyser, sur « l'Alexandre », appareillèrent de concert.
Les deux jeunes capitaines établirent leur croisière dans la mer du Nord,
le long des côtes de Hollande.
Dans l'espace de moins de trois
mois, du 2 avril au 28 juin, Ils firent six prises hollandaises, quelques-unes
avaient un chargement fort avantageux.
Cette première campagne ouvrait dignement la carrière de Jean Bart.
Elle commença sa réputation et lui valut le commandement d'une frégate de
10 canons nommée « la Royale ».
La frégate « la
Royale », de Jean Bart, appareilla de Dunkerque vers la mi-août 1674, de conserve avec, « l'Alexandre »,
du capitaine Guillaume Doorn.
Le 27 aout, les deux capitaines
corsaires s'emparèrent d'une galiote
hollandaise.
Le 11 septembre, ils prirent une
grande Flûte baleinière.
Charles
Keyser, qui venait de recevoir le commandement de la frégate « les
Armes de Dunkerque », se joignit à eux.
Ils réalisèrent neuf prises en cette année 1674, la première de la
navigation de Jean Bart comme capitaine corsaire.
En
1675
Dès le commencement de la campagne, Jean Bart sortit seul et fit
coup sur coup trois prises considérables.
Le 3 février 1675, il épousait Nicole Gontier, âgée de seize ans environ Le capitaine Guillaume Doorn, compagnon de Jean
Bart, lui servit de témoin.
Jean Bart avait alors vingt-cinq ans.
Jean Bart reprit la mer avec sa
frégate « la Royale ».
Le 30 juillet, il croisait à la hauteur de l'Elbe, de conserve avec la
frégate « le Grand Louis »,
capitaine Keyser, et la « Dauphine », capitaine Jacobsen, qui l'avait rallié
en route, ils prirent un navire portant
pavillon du prince d'Orange.
Le 5 août, « Grand Louis » et « la Royale », quittés par « la Dauphine », attaquèrent et
enlevèrent à l'abordage « le Lévrier ».
Le 9 du même mois, une autre frégate de 12 canons et de 48 hommes
d'équipage, « la Bergère », plus
dix autres busses.
Jean Bart sortit encore une fois ce
même mois avec la Dauphine et l'Alexandre, commandés tous deux par un capitaine
du nom de Jacobsen; le 24 octobre, ils prirent l'Arbre de Chêne.
Cette dernière prise était la vingtième faite par Jean Bart dans le courant
de cette année 1675.
1676
En 1676 les armateurs lui confièrent
le commandement de « la Palme »,
belle frégate montée à 24 canons et 150 hommes d'équipage.
La Palme appareilla de Dunkerque, le 25 mars 1676 de conserve avec trois autres frégates
commandées par les capitaines Jacobsen Lassie et Messemaker.
Ils prirent :
-
Une pinasse
Hollandaise
-
Un convoi de
Huit bélandres
-
et les trois
navires d’escorte
Quelques jours après Jean Bart reprit
la mer avec d’autres frégates dunkerquoises, l'Alexandre, capitaine Keyser, et l'Ange gardien, capitaine Pitre Lassie;
Ils prient :
Une flûte hollandaise nommée l'Espérance
Peu après, la Palme qui croisait seule, se rendit maître d’une
frégate de guerre hollandaise, nommée le Neptune, après un dur combat. La nouvelle de ce brillant et glorieux
combat value du Roi à Jean Bart une
chaîne d'or en récompense.
Colbert demanda à l'intendant de la
marine de Dunkerque Hubert de Champly
des Clouzeaux de lui envoyer un mémoire sur l'état des capitaines corsaires dunkerquois.
L'intendant répondit en envoyant une liste d’une trentaine de capitaines corsaires et que dans ceux-ci il y avait un
capitaine, le capitaine Bart, à qui les autres se soumettraient facilement. «
Sa bravoure et sa manière de commander,
ajoutait-il, lui ont donné
quelque créance parmi eux.
Jean Bart ne termina pas la campagne
de 1676 sans faire de nouvelles
prises, il amarina cinq bâtiments
marchands richement chargés.
Ces dernières prises portaient à
plus de vingt le nombre de celles que Jean Bart avait faites, seul ou avec
d'autres capitaines, dans le courant de la campagne de 1676.
En
1677
Jean Bart n'attendit pas que le printemps fût arrivé pour entrer en
campagne.
Il appareilla, de concert avec le
capitaine Lassie.
Les deux amis commencèrent leur croisière en enlevant, 8 navires.
Le 17 juin 1677, Jean Bart, vit naître le premier de ses enfants :
François-Cornil Bart.
L'année ne se termina pas sans que Jean Bart ne fasse une nouvelle campagne.
Il quittait sa frégate « la
Palme », pour « le Dauphin », belle frégate montée
à 30 canons.
En 1678 Jean Bart ouvrit la campagne
et l'année en prenant coup sur coup,
cinq dogres pêcheurs hollandais
Au mois de juin de conserve avec deux petites frégates
dunkerquoises, ils prirent le Sherdam. Un dur combat où il eut les mains
et le visage à demi brûlés, et un boulet
lui avait enlevé le gras des jambes.
Sur « le Mars », il
appareilla quinze jours après la
prise du Sherdam pour continuer la campagne, il fit quelques prises.
La paix de Nimègue, conclue le 10 aout 1678 avec les Hollandais, vint
interrompre ses fructueuses croisières
et le força à se reposer.
Vauban qui appréciait beaucoup Jean Bart
l'avait chaudement appuyé,
lorsque Colbert proposa au roi de rattacher Jean Bart à la
marine royale et de lui donner titre de lieutenant de vaisseau.
En 1679 Jean Bart reçut, le 5 janvier, sa commission de lieutenant de
vaisseau des armées navales du roi.
La paix dura quatre ans, de 1679 à
1683. Pendant ce temps, Jean Bart servit en qualité de lieutenant de vaisseau à
bord de différents bâtiments. .
Cependant, en 1681, les pirates de la côte de Maroc ayant commis de
nombreuses déprédations aux dépens de notre commerce, Jean Bart reçut l'ordre
d'aller châtier ces pirates avec deux petites frégates, « la Vipère »
de 14 canons et « l'Arlequine » de 12 canons.
Jamais avant lui un simple lieutenant de vaisseau n'avait été chargé d'un
pareil commandement et d'une mission aussi importante.
Cette campagne se passa avec peu de
combat puis Jean Bart regagna Dunkerque.
Les années suivantes furent assez
tristes pour Jean Bart.
Il fut, coup sur coup, frappé par le
décès de sa mère, de l’un de ses enfants et de sa femme.
Le 15 juillet 1682, Catherine Janssen mourait dans ses bras, à l'âge de
cinquante-sept ans.
Le 24 août suivant, le dernier né de ses enfants, une petite fille de onze
mois, nommée Jeanne-Nicole Bart, mourait à son tour.
Enfin, le 26 décembre de la même année, Nicole Gouttière suivait sa belle-mère et son enfant; elle
n'avait pas plus de vingt-trois ans.
En 1983
La guerre vint arracher Jean Bart à
ses chagrins.
Dès la reprise des hostilités, Jean
Bart reçut le commandement de la frégate « la Serpente », avec l'ordre d'aller croiser dans la
Méditerranée.
Il y rencontra un vaisseau espagnol qui avait à bord 350 soldats, s'en
empara après un combat assez court, et le conduisit à Brest.
Puis il s'embarqua sur « le
Modéré », Pendant les deux ans
qu'il resta sur le Modère, il eut
l’occasion d'assister à la campagne de Cadix il y fut grièvement blessé à la cuisse d'un
éclat de mitraille.
En 1686
Il fut nommé capitaine de frégate le 14
août 1686, sept ans et demi après sa nomination au grade de lieutenant
de vaisseau.
A la fin de l'année, Jean Bart revint à Dunkerque.
En
1688
Au mois de septembre l'Allemagne,
l'Autriche, puis la Hollande, l'Espagne
et diverses autres puissances se
liguèrent toutes contre la France. Cette ligue, à laquelle l'Angleterre devait
se joindre l'année suivante, porte dans l'histoire le nom de ligue d'Augsbourg.
Les frégates « la Railleuse », de 24 canons, et « la Serpente », de 16, furent
armées et équipées aux frais de Seignelay, et ce fut Jean Bart qui en reçut le
commandement.
Ils entamèrent une croisière contre les anglais.
En
1689
Le ministre lui donnait l'ordre de
courir les corsaires hollandais qui
infestaient en grand nombre les côtes de France.
Vers le commencement d'avril, « la Railleuse » capitaine
Jean Bart et « la Serpente »
capitaine de Forbin appareillaient de Dunkerque avec un convoi
qu'elles étaient chargées de conduire à Brest.
Peu de temps après, la Railleuse et la Serpente quittèrent Brest pour
retourner au Havre.
En arrivant à ce dernier port, Jean Bart apprit que le roi allait sans
doute déclarer la guerre à l'Angleterre, dont le prince d'Orange avait usurpé
la couronne, et que les hostilités seraient menées activement.
Or Jean Bart mûrissait, depuis quelques années, un plan de campagne qui
devait en peu de temps ruiner le commerce des ennemis.
« Il s'agissait d'armer un certain
nombre de petites frégates légères,
montées par des hommes de choix, de les réunir en escadres sous les
ordres d'un marin connaissant parfaitement les parages à exploiter et de les
lancer sur les nombreux bâtiments de commerce qui sillonnaient incessamment la
Manche, la mer du Nord et la Baltique »
Jean Bart, croyant le moment opportun, adressa au ministre Seignelay, un mémoire où son plan était exposé; mais le
ministre, qui avait déjà tiré d'assez beaux bénéfices de ses arrangements avec Jean
Bart, et qui espérait en tirer de plus beaux encore, accueillit assez
froidement les ouvertures de Jean Bart.
Jean Bart se disposait à appareiller de Dunkerque avec ses deux frégates, « la Railleuse » et « les Jeux », pour exécuter les
instructions du ministre, lorsqu'il
reçut ordre de suspendre pour le moment son
expédition, de prendre la mer immédiatement avec de Forbin, d'aller rallier un convoi de vingt bâtiments marchands
qui attendait au Havre et de l'escorter jusqu'à destination.
Ce n'était pas chose facile que de
faire traverser sans encombre à un convoi considérable ces mers incessamment
sillonnées par les croiseurs anglais et hollandais.
Il n'y avait pas deux jours que « la
Railleuse » et « les
Jeux » avaient pris la mer
lorsqu'ils rencontrèrent, à la hauteur de l'île de Wight, deux bâtiments de guerre anglais plus
lourdement armés qui leur donnèrent aussitôt la chasse.
Jean Bart déclara hautement qu'il se
croirait déshonoré s'il ne faisait pas l'impossible avant de laisser tomber aux
mains de l'ennemi cette flotte marchande
et, comme c'était lui qui commandait, le combat fut décidé.
Il résolut de vendre cher la victoire et de prolonger la résistance le plus
longtemps possible, afin de donner au convoi le temps de gagner un abri.
A la fin, cependant, il fallut bien que Jean Bart et de Forbin songeassent à cesser cette lutte héroïque, le but que
Jean Bart s'était proposé était atteint : la flotte avait gagné une avance
considérable et ne courait plus aucun risque. « Les Jeux » et « la
Railleuse » amenèrent leur pavillon.
Jean Bart et de Forbin furent
les prisonniers des Anglais.
Mais les deux capitaines n’avaient qu'une pensée, celle de leur évasion.
Une nuit Jean Bart été de Forbin
échappant à la vigilance de leurs gardiens
s'embarquèrent avec le chirurgien
qui les soignaient et deux mousses dans
une frêle embarcation.
Pendant deux jours et deux nuits
Jean Bart ne discontinua pas un instant de ramer avec une vigueur infatigable.
Enfin les fugitifs aperçurent les côtes de Bretagne et ils débarquèrent sur le sol français.
De Forbin prit aussitôt la poste
pour se rendre à la cour, et Jean Bart partit de son côté pour Dunkerque.
Quelques jours après, le 20 juin, Jean Bart et
de Forbin recevaient, en juste
récompense de leurs bons et loyaux
services, la commission de capitaine de vaisseau et une gratification de
quatre cents écus.
Il y avait sept années que Jean Bart
était veuf de Nicole Gontier quand il
songea à se remarier. Il avait alors
trente-neuf ans, et jouissait à Dunkerque d'une très grande considération.
Le 13 octobre 1689, le mariage de
Jean Bart et de Marie Tugghe fut célébré
à l'église Saint-Eloi.
Marie était la fille unique de messire Thomas-Ignace Tugghe, avocat au
parlement et l'un des plus riches bourgeois et armateur de la ville de
Dunkerque
Quelques jours après le mariage, une
petite escadre se trouvait en état de prendre la mer
Jean Bart se hâta d'appareiller, bien que la saison fût déjà fort avancée.
Il montait « l’Alcyon »,
belle frégate de 48 canons; quant à « l'Opiniâtre » et à la « Capricieuse », elles étaient montées par deux autres
capitaines dunkerquois.
Mais Jean Bart ne rencontra aucun
des riches proies qu'il était venu chercher.
Il prit seulement une flûte, le « Saint-Antoine » , et une galiote anglaise, « la
Rose-Marine ».
Un ordre du ministre lui enjoignait d'aller chercher deux vaisseaux chargés de
poudre que le roi avait fait acheter à Hambourg.
Jean Bart appareilla immédiatement avec
« l’Alcyon » et en les attendant, il se mit à croiser et prit en trois jours, trois bâtiments baleiniers.
Puis Jean Bart ramena les deux vaisseaux sains et saufs à
Dunkerque.
Cette année 1689, ne se termina pas
cependant sans qu'il ne fasse une nouvelle prise, une flûte hollandaise.
1690
L’année ne fut ni moins glorieuse ni moins fructueuse pour Jean Bart.
Elle fut glorieuse, du reste, entre toutes, pour la marine française qui,
grâce au génie de Tourville, remporta une victoire décisive sur les deux
marines anglaise et hollandaise, à la mémorable journée du cap Beveziers.
Jean Bart eut l'honneur de prendre part, avec sa frégate l »'Alcyon », à cette belle
victoire, qui jeta la terreur jusque dans Londres.
Après cette victoire Jean Bart, entreprit
une nouvelle croisière, en mer du nord.
Elle permit de prendre en quinze jours un bâtiment hollandais, un bâtiment
anglais, dix bâtiments hambourgeois, tombaient sans combat.
Puis près des côtes hollandaises il
enleva ou coula jusqu'au dernier tous les bâtiments pêcheurs qu'il rencontra
sur son chemin, et prit à l'abordage une frégate de guerre hollandaise de 28
canons, après quoi, il revint à
Dunkerque.
En 1691
Jean Bart reçut l'ordre d'aller se mettre de nouveau à la disposition du
comte de Tourville. Il quitta « l’Alcyon »
pour « l'Entendu », belle frégate de 70 canons et de 400 hommes
d'équipage, et rallia Tourville, avec qui il fit la campagne dite de la Manche.
Jean Bart couronna cette campagne, comme la précédente, en faisant quelques
riches prises, avec lesquelles il rentra pour désarmer à Dunkerque.
Mais ici va commencer dans la vie de Jean Bart une phase plus féconde
encore en glorieux faits d'armes.
Seignelay mourut le 3 novembre 1690 et fut remplacé par Phélippeaux de
Pontchartrain.
Lorsque Jean Bart soumit la proposition, qu’il avait faite à
Seignelay il y a trois ans, au nouveau
ministre, celui-ci, l'accueillit favorablement
et le chargea lui-même de la mettre à
exécution.
Jean Bart, ayant achevé l'armement
de son escadre, se préparait à appareiller, lorsque trente-deux bâtiments, tant
anglais que hollandais, vinrent bloquer étroitement le port de Dunkerque et
barrer le passage ils n'osèrent pas
l'attaquer et se bornèrent à guetter son départ.
Mais les ennemis comptaient sans l'habileté et sans l'intrépidité du vaillant marin. Dans la nuit
du 25 juillet, Jean Bart, profitant de l'obscurité, mit à la voile et sans
bruit força le blocus avec une audace
et un succès merveilleux.
Dix-huit ou vingt vaisseaux essayèrent aussitôt de lui donner la chasse,
mais il mit toutes ses voiles au vent, et, au point du jour, il était hors de
vue.
Dès le lendemain, 26 juillet, il rencontrait quatre bâtiments anglais,
richement chargés, avec une frégate de guerre de 44 canons pour
escorte. Malgré la vigoureuse résistance de celle-ci, il n'eut pas de peine à
s'en rendre maître, ainsi que des quatre marchands.
Il les amarina et chargea une de ses frégates de les conduire au port de
Berghen, en Norvège, puis il continua sa croisière.
Deux jours après, le 28, une nouvelle proie tombait en son pouvoir, c'étaient cette fois quatre-vingts
busses et dogres hollandais qui revenaient de la pêche aux harengs avec un gros
vaisseau de guerre pour escorte. Jean Bart s'en empara sans peine, puis, comme
le chargement de cette flotte était de peu de valeur, et que d'ailleurs les
instructions du ministre étaient formelles à ce sujet, il mit le feu aux quatre-vingts
bâtiments marchands ainsi qu'au bâtiment de guerre, après en avoir toutefois
fait passer les équipages à bord de son escadre pour les débarquer peu après
sur les côtes d'Angleterre.
Non content de cette expédition, il alla croiser pendant les mois de
juillet et d'août en vue des côtes d'Ecosse. Là, comme il ne se présenta aucune
voile sur son chemin, il s'approcha de la côte avec l'intention de faire une
descente et de ravager le pays.
L'escadre ayant mouillé en face de Newcastle,
Bart donne l'ordre à Forbin de mettre pied à terre de s'avancer dans les terres et de brûler tout
ce qu'il rencontrera.
Forbin exécuta avec autant de hardiesse et d'intelligence les ordres de son
chef, qu’il livra deux ou trois cents maisons au pillage et à l'incendie, et ne
s'arrête que devant les forces considérables qui accourent des environs en
toute hâte.
Le 24 novembre, l'escadre rentra triomphalement à Dunkerque, rapportant
plus de 500,000 écus de prises.
Infatigable Jean Bart à peine rentré
au port se hâtait de repartir avec son
escadre croiser en mer du Nord.
Il y fit la rencontre d'une flotte marchande hollandaise considérable,
chargée de grains, qui venait de la Baltique, avec trois gros vaisseaux de guerre.
Avec trois simples frégates, Jean Bart n'hésita pas un moment. Il arriva sur le plus fort des vaisseaux hollandais et
le força bientôt, après une vaine résistance, d'amener son pavillon. Les deux
autres vaisseaux de guerre, effrayés, s'enfuirent Jean Bart ramena la flotte marchande tout
entière à Dunkerque.
En 1692
Jean Bart se rendit à
Versailles, à la cour du roi, avec Forbin, son compagnon et son rival de
gloire.
Louis XIV ne se contenta pas
seulement de faire bon accueil à Jean Bart il lui accorda en même temps, en
récompense de ses services, mille écus de gratification.
En 1693
Au commencement du
printemps de l'année Jean Bart reçut l'ordre de rejoindre à Brest l'armée
navale du maréchal comte de Tourville : il appareilla avec « le
Glorieux », frégate montée à 62 canons.
De Tourville avait l'ordre de rassembler tous les vaisseaux échappés au
désastre l'année précédente, en même temps que les bâtiments récemment
construits dans les différents ports du royaume, et de prendre une éclatante
revanche. En fort peu de temps, fut rassemblés soixante et onze vaisseaux de
guerre, vingt bâtiments de chasse et bon nombre de brûlots.
Cette flotte, le dernier espoir de
la marine française, appareilla le 26 mai 1693.
Le feu était à peine ouvert depuis une heure, que la frégate « le Glorieux », montée par Jean Bart, se trouvant un
peu à l'écart de la flotte française, aperçut un petit peloton de six bâtiments
hollandais, de 26, 28, 30 et 42 canons. Sans hésiter, malgré l'infériorité de
ses forces, Jean Bart fond, avec la rapidité de la foudre, sur ses six ennemis,
les déconcerte, les terrifie par cette brusque attaque.
Ces vaisseaux, ainsi que le
commandant, qui avait été réduit à coups de canon, appartenaient à la compagnie
des Indes, et leur chargement était des plus riches.
Lorsque Jean Bart rallia la flotte française, la bataille de Lagos était
complètement et glorieusement gagnée.
Jean Bart repartit pour Dunkerque.
Il reçut presque immédiatement l'ordre de prendre le commandement de six
frégates, et d'aller, avec sa petite
escadre à Vleker, en Norvège, où l'attendait un convoi de blé considérable
acheté pour le compte du roi de France.
Cette fois encore, Jean Bart s'acquitta de cette importante mission avec le
plus grand bonheur, en dépit des nombreux bâtiments de guerre anglais et
hollandais qui le guettaient au passage, et le convoi arriva sans le moindre
accident à Dunkerque.
Jean Bart termina cette glorieuse campagne par une nouvelle victoire.
Ayant repris la mer avec sa petite escadre dans les premiers jours de
novembre, il enleva, le 16 et les jours suivants, trois vaisseaux anglais.
En
1694 La campagne, que fit Jean Bart
dans la mer du Nord, fut marquée par l'un des plus beaux combats que ce siècle,
si fertile en brillantes victoires, ait vu livrer, par l'un de ceux surtout qui
eurent pour le pays les plus heureuses conséquences.
A cette époque, la famine, l'un des
plus terribles fléaux que la guerre entraîne souvent après elle, la famine
couvrait la France de tristesse et de désolation
Dans cette extrémité, le roi fit encore acheter une quantité considérable
de blé en Danemark et en Suède; mais, quand ce blé eut été chargé sur un grand
nombre de vaisseaux marchands, on fut avisé à la cour qu'une forte division
hollandaise croisait dans les mers du Nord pour enlever le précieux convoi au
passage. Jean Bart reçut alors l'ordre d'appareiller de Dunkerque, avec ses six
frégates et une flûte, pour aller chercher le convoi à Vleker où il était
rassemblé, et lui faire escorte jusqu'en France.
Jean Bart, appareilla de Dunkerque le 28 juin 1694, et
fit voile pour la Norvège.
La fatalité avait voulu qu'au lieu
d'attendre tranquillement à Vleker l'arrivée de Jean Bart, le convoi prit la
mer sous la simple escorte de trois vaisseaux de guerre suédois et danois, et
que son imprudence le fit tomber aux mains de l’ennemi.
Jean Bart, assembla en conseil les capitaines de sa petite escadre, et leur ordonna de se préparer à attaquer l'ennemi, malgré l'écrasante
supériorité de ses forces.
Sans plus tarder, afin de ne pas laisser aux ennemis le temps de se
préparer à une attaque à laquelle ils ne semblent pas s'attendre de la part
d'un adversaire aussi peu redoutable, Jean Bart prend la tête de sa petite
escadre, et laisse arriver sur la flotte hollandaise.
Pour compenser autant que possible l'infériorité trop évidente de ses
forces, il avait complété l'équipage du Portefaix, avec des hommes d'élite pris
sur les autres vaisseaux de son escadre, et avait donné le commandement de
cette flûte au premier lieutenant du Maure, nommé de La Bruyère.
Le combat étant fini; les Hollandais
gagnaient le large, abandonnant aux vainqueurs, en même temps que le convoi de blé, trois beaux vaisseaux.
Quand Jean Bart fit son entrée deux jours après, suivi du convoi et des trois vaisseaux de guerre
hollandais, la ville tout entière était sur le port, saluant d'acclamations enthousiastes.
Le jour même de son arrivée à Dunkerque, Jean Bart envoya son fils, Cornil,
porter au ministre la nouvelle de la reprise du convoi.
Louis XIV tint la promesse qu'il
avait faite au fils de Jean Bart. Peu après le retour de celui-ci à Dunkerque, Jean Bart
reçut des lettres de noblesse, et Cornil Bart fut fait, malgré sa jeunesse,
enseigne de vaisseau. En outre, pour transmettre à la postérité le souvenir de
cette glorieuse victoire qui sauvait la France de la disette, on fit frapper
une médaille commémorative.
Grâce à sa magnifique victoire, le
blé, qui était monté jusqu'à trente livres, redescendre à trois livres.
Ce fut le combat qui contribua le
plus à populariser le héros dunkerquois et à rendre son nom immortel.
En
1694 Pour se venger des désastres que les
corsaires dunkerquois leur avait fait éprouver, nos ennemis avaient tenté de détruire la ville.
Soixante navires anglais et
hollandais (tant vaisseaux de guerre que frégates, galiotes à bombes, barques à
machines appelées infernales, et bâtiments de charge) avaient appareillé sous
le commandement du chevalier de Showel, vice-amiral.
L'entrée du port de Dunkerque était
fermée par deux magnifiques jetées, qui
s'avançaient à deux mille mètres dans la mer. Le fort de Bonne-Espérance et le
fort Vert commandaient, le premier la partie ouest de l'entrée, le deuxième la
partie est. D'autres points fortifiés, sans parler des remparts qu'on avait
relevés et réparés, faisaient de Dunkerque une place de premier ordre pour la
défense.
C'était Jean Bart que l'on avait
chargé de la défense du fort de Bonne-Espérance, situé à l'ouest du port et le
plus exposé. Son fils, François Cornil, commandait sous lui.
Un autre capitaine de vaisseau, du nom de Saint-Clair, avait la défense du
fort Vert, situé à l'est du port.
A huit heures du matin, le
bombardement commença, mais sans aucun effet, à cause de l'éloignement où se
trouvait la flotte ennemie.
A neuf heures, celle-ci se rapprocha et vint mouiller en forme de croissant
à la grande portée de canon, devant le fort de Bonne-Espérance, et se mit à
jeter sans relâche des bombes dans la ville et dans les forts, jusqu'à trois
heures de l'après-midi.
Enfin, vers six heures et demie, les ennemis, découragés par la vaillante
résistance, songèrent à la retraite; ils ne se retirèrent pas toutefois avant
d'avoir essuyé un terrible feu des deux forts, à portée desquels la marée basse les força de passer.
Enfin, la flotte ennemie mit à la
voile et regagna les côtes d'Angleterre. La ville et les forts n’eurent aucun
dommage de ces douze heures de canonnade.
En
1696 une belle occasion s'offrit à
Jean Bart de faire payer cher aux Anglais leurs tentatives avortées contre
Dunkerque.
Louis XIV fit plusieurs tentatives pour remettre par la force le roi
légitime d'Angleterre sur le trône de ses pères; ces tentatives échouèrent.
Louis XIV résolut de tenter un dernier et plus sérieux effort et de mettre
un armement considérable à la disposition de son hôte infortuné. Jean Bart
reçut l'ordre de se tenir prêt à concourir à cette expédition avec son escadre,
composée
de six frégates de guerre.
Une flotte magnifique, composée de cinquante et un vaisseaux de guerre et
de plusieurs brûlots et galiotes, fut prête à mettre à la voile : dix-huit
régiments d'infanterie, trois de cavalerie et deux de dragons, toutes vieilles
troupes montant environ à 16000 hommes, sous le commandement du marquis
d'Harcourt, se rassemblèrent sur divers points de la côte pour prendre passage
à bord de la flotte et faire une puissante diversion à Douvres. On n'attendait
plus pour prendre la mer que l'arrivée de Jacques II, qui devait s'embarquer
lui-même et rallier, à son arrivée sur le sol de son royaume, tous ceux de ses
sujets qui lui étaient restés fidèles.
Malheureusement, les retards de ce prince, son apathie et son irrésolution,
donnèrent le temps à Guillaume d'étouffer dans le sang ce qui restait du parti jacobite et d'envoyer l'amiral lord Russel
croiser, avec une flotte de soixante-trois voiles, à la hauteur de Gravelines
et attendre au passage la flotte de l'infortuné prince.
Dès lors, le succès de l'expédition était plus que compromis : il fallut y
renoncer. La flotte, avant même d'être sortie du port, désarma.
En 1696 La puissante armée navale anglaise,
tenait encore la mer. Ce n'était donc
pas chose facile, de traverser, sans désastre, ces forces considérables,
d'aller en Norvège chercher un convoi de blé et de le ramener sain et sauf en
France.
Jean Bart était tout pour cette
nouvelle et périlleuse mission.
Le roi lui écrivit lui-même et lui ordonna de chercher autant que possible
à éviter l'ennemi, mais, s'il ne pouvait pas l'éviter, de ne pas refuser le
combat, et de s'attacher avant tout à ramener le convoi.
L'ennemi, dès qu'il apprit que Jean Bart était sur le point d'appareiller,
redoubla de vigilance et de zèle : quatorze vaisseaux anglais vinrent bloquer
le port de Dunkerque.
Le 17 mai, vers les dix heures du
soir, Jean Bart appareilla sans bruit, passa hardiment au milieu de l'escadre
ennemie avec ses sept frégates, et mit le cap sur les parages sud du
Dogger-Banc, à l'entrée de la Baltique.
Le 1er juin, deux navires danois, venant de Vlexer, informèrent Jean Bart
qu'une grande flotte marchande hollandaise se rassemblait dans le port de
Khristiansand, en destination d'Amsterdam et d'Ostende.
Sur cette information, Jean Bart changea son plan de campagne; au lieu
d'attendre le convoi de blé, il ira au devant de l'ennemi, et, l'attaquant
brusquement, il le déconcertera à force d'audace, jettera le trouble dans sa
marche et dans ses rangs et assurera ainsi le passage du convoi.
Le 12 juin, une flotte marchande hollandaise arrivait de la mer Baltique.
C'était la flotte hollandaise,
composée de quatre-vingts bâtiments marchands, avec cinq vaisseaux de guerre
pour escorte.
Jean Bart rassembla les capitaines de son escadre en conseil. Son
sentiment, qui se trouva être celui de tous les autres capitaines, fut
d'observer toute la nuit les ennemis et d'aller
attaquer les cinq vaisseaux le lendemain, au, point du jour avec
l’escadre.
Les cinq vaisseaux de guerre
enlevés, chaque frégate devait donner dans la flotte marchande et amariner le
plus grand nombre de voiles possible.
Deux petits corsaires dunkerquois,
qui croisaient dans ces parages, vinrent à ce moment rallier Jean Bart, qui
leur ordonna de le suivre et de se jeter dans la flotte dès qu'ils le verraient aux prises
avec les vaisseaux d'escorte.
La perte des Hollandais dans cette journée fut environ de quarante
bâtiments, y compris les vaisseaux de guerre et plusieurs flûtes que les deux
petits corsaires de Dunkerque, qui avaient rallié Jean Bart au commencement de
l'affaire, prirent et brûlèrent de leur côté.
Cependant tout n'était pas terminé pour Jean Bart.
Il lui restait à assurer l'arrivée en France du convoi de blé, qui n'était
pas encore passé; il revint donc établir sa croisière au nord du Dogger-Banc
sur la route que devait suivre ce convoi. Quelques jours après son arrivée dans
ces parages, il profita de la rencontre qu'il fit de quatre navires suédois
pour se débarrasser du reste de ses prisonniers, puis, voyant approcher la fin
de ses vivres, et n'ayant toujours aucune nouvelle du convoi, il se décida à
aller au-devant de lui jusqu'en Norvège.
Cingla sur Concalf, petit port de la côte de Norvège, où il mouilla le 3
juillet, à deux heures du soir.
Le consul de France à Khristiansand fit savoir à Jean Bart que le convoi chargé de blé, avait habilement profité de la confusion mise
dans les plans de l’ennemi pour gagner la France en prolongeant les côtes
d'Angleterre.
Jean Bart, tranquille désormais sur le sort du convoi, fait ses
approvisionnements, appareille et met le cap sur la France. Il vient mouiller à Dunkerque, dans les premiers jours de
décembre.
La renommée de Jean Bart grandit
considérablement à la cour et dans toute la France, à la suite de cette
campagne; et à la première promotion, il fut nommé chef d'escadre de la
province des Flandres.
Il avait alors quarante-six ans.
En 1697
Le roi de Pologne, Jean Sobieski, étant mort
La candidature du prince de Conti ayant réuni les suffrages d'un grand
nombre d'électeurs de la diète, et l'abbé de Polignac, ambassadeur de France en
Pologne, ayant insisté de la manière la plus pressante sur la nécessité du
départ du prince pour le royaume qu'il pouvait désormais regarder comme le
sien, ce voyage fut résolu.
Ce fut Jean Bart que le roi chargea de la périlleuse mission de conduire le
prince de Conti à Dantzig, et de lui faire traverser sans accident une flotte
anglo-hollandaise de dix-neuf vaisseaux de guerre, qui croisait
au nord de Dunkerque avec le dessein
de s'opposer à son passage.
Le ministre de la marine, Pontchartrain, avait fait équiper à cet effet dix
vaisseaux ; mais, sur la demande expresse de Jean Bart, ces dix vaisseaux furent
désarmés et remplacés par six frégates légères et bonnes marcheuses.
La petite escadre mit à la voile le 6 septembre 1697, au milieu d'une nuit
assez obscure. Le lendemain, à la pointe du jour, elle aperçut à l'horizon
trois vaisseaux de guerre de 80 canons et neuf frégates qui l'attendaient entre
la Meuse et la Tamise.
Jean Bart fit aussitôt tout préparer pour le combat, et,
s'avançant mèches allumées, il passa intrépidement à portée de l'escadre
ennemie.
Il ne fut pas attaqué et poursuivit tranquillement sa route.
L'escadre arriva à Dantzig, sans
avoir fait d'autre rencontre dangereuse, vingt jours après son départ de
Dunkerque.
Le prince de Conti fut assez mal reçu par la ville de Dantzig, qui venait de se déclarer pour son
principal concurrent, l'électeur de Saxe, Frédéric-Auguste.
Il prit le parti de s'en retourner immédiatement en France.
le 15 octobre 1697 Naissait Magdeleine Marie-Françoise Bart, fille de Jean
Bart et de Jacqueline-Marie Tugghe. Parrain : Jean Tugghe, ancien greffier de
la ville de Dunkerque. Marraine : Demoiselle Magdeleine-Thérèse Vandermeersch.
Magdeleine-Marie-Françoise épousa plus tard Marc de la Barthe.
Le 9 novembre, l'escadre mit à la
voile.
Chemin faisant, jean Bart rencontra et prit cinq vaisseaux qui allaient à
Dantzig, avec un chargement assez riche; il les laissa en dépôt dans un port
neutre de Danemark et continua sa route.
Enfin, le 10 décembre, après une
traversée d'un mois, Jean Bart mouilla dans la rade de Dunkerque et débarqua le
prince de Conti sain et sauf.
En 1698 La paix fut signée le 20 septembre à Ryswick, et Jean Bart put se reposer enfin
de ses longues et glorieuses fatigues.
Le 12 octobre 1698 naissance d'Antoine Bart, fils de
Jean et Marie Tugghe. Parrain : Antoine Bavanger, sieur de la Preille,
capitaine du port de Dunkerque. Marraine : Marie de Bouly,
Le 2 décembre 1698 Décès d'Antoine Bart, fils de Jean
Bart, né le 12 octobre précédent.
C'est au milieu de sa famille, entouré de sa femme, Marie Tugghe, et de ses
enfants qu'il passait tranquillement les loisirs que lui laissaient la paix.
Jean Bart aimait encore à se délasser de ses fatigues auprès d'un curé des
environs de Dunkerque, son parent.
Il allait, passer des semaines entières avec sa femme et ses enfants chez
Nicolas Bart, son proche parent, curé de Drinckam, dans la châtellenie de
Bergues-Saint-Winoc,
Ce curé de Drinckam, était
un homme de mérite et de science; il devint supérieur du séminaire dit de
Cupère, du nom d'un seigneur qui avait cédé les bâtiments occupés par cet
établissement à Dunkerque, et mourut à
l'âge de quatre-vingt-six ans. Il existait une grande intimité entre lui et
Jean Bart.
Jean Bart ne devait pas jouir longtemps de cette tranquillité qu'il avait
pourtant bien méritée par ses longs services.
En 1700 Jean Bart arme quatre frégates
destinées à la guerre aux Salétins il
embarquera sur « l’Amphitrite »
et sera accompagné de « l’Adroit » de « l’Alcyon » et de « le
Maure ».
En
1701 L'Angleterre,
l'Autriche et la Hollande signèrent à La Haye le traité dit de la grande
alliance, et se préparèrent à entrer en campagne au commencement du printemps.
Dès que la guerre eut été déclarée,
le roi envoya des ordres dans tous les ports pour qu'on se hâtât d'armer tous
les vaisseaux de guerre qui s'y trouvaient.
Jean Bart fut chargé d'armer une escadre à Dunkerque et d'en prendre le
commandement, aussitôt qu'elle serait prête à mettre à la voile.
Le roi lui envoya
en même temps un fort beau vaisseau de
70 canons, excellent voilier nouvellement construit au Havre, et sur lequel le
brave marin devait figurer dignement à la tête de son escadre; il s'appelait « le Fendant ».
Dès le lendemain de l’arrivée du navire , l'escadre du
Nord est ainsi constituée :
-
le Fendant , commandant le chevalier Bart, chef
d'escadre;
-
le Maure, sous le chevalier de Courbon Saint-Léger,
capitaine de vaisseau ;
-
l'Amphitrite, sous le chevalier de Saint-Pol-Hécourt,
capitaine de vaisseau ;
-
l' Adroit, sous le marquis de Gabaret, capitaine de
vaisseau ;
-
le Milford, sous le chevalier de Marège, capitaine de
frégate ;
-
le brûlot
le Tigre, sous le chevalier de Beaujeu, lieutenant de vaisseau.
Ravi Jean
Bart se ménagea si peu en pressant l'armement
de son escadre qu'il fut atteint d'une pleurésie qui l'emporta au bout de
quelques jours, au moment où sa patrie, engagée dans une guerre terrible contre
l'Europe entière, allait avoir grand
besoin de son expérience et de sa valeur.
Jean Bart mourut le jour
anniversaire de sa nomination de chef d'escadre, le 27 avril 1702, entre trois
et quatre heures de l'après-midi; il avait alors cinquante deux ans Il fut regretté de tout le monde, et particulièrement du roi qui savait bien
qu'il ne trouverait qu'avec peine un officier de sa capacité pour remplir un
poste aussi difficile que celui du port de Dunkerque.
Il fut enterré dans le sanctuaire du chœur de l'église Saint-Éloi, au pied
du maître-autel.
Voici le Relevé des services de Jean
Bart :
-
Matelot, 1666-1672, sur l'un des bâtiments de l'escadre commandée par
Michel de Ruyter, puis comme lieutenant à bord de bâtiments de commerce
hollandais;
-
Lieutenant, 1672-1674, sur des bâtiments corsaires dunkerquois;
-
Capitaine de bâtiments corsaires, 1674-1679 ;
-
Lieutenant de vaisseau dans la marine royale, 5 janvier 1679 ;
-
Capitaine de frégate, 14 août 1686 ;
-
Capitaine de vaisseau, 20 juin 1689 ;
-
Chef d'escadre, 1" avril 1697.
-
Chaîne d'or donnée par Louis XIV, 18 septembre 1676 ;
-
Chevalier de Saint-Louis, 1" février 1694 ;
-
Lettres de noblesse, 4 août 1694.
-
10 mai I702 « Le Roy a appris avec
déplaisir la mort du chevalier Jean Bart, à cause des services qu'il a rendus
et de ceux qu'il était prêt à rendre dans la conjoncture présente ».
Jean Bart, en mourant, laissait après lui sa veuve avec six enfants : trois
fils et trois filles.
Marie Tugghe resta veuve et mourut à
Dunkerque, le 7 février 1719, à l'âge de cinquante-six ans, dix-sept ans après
la mort de Jean Bart ; elle fut enterrée à côté de lui.
Quant à ses six enfants, les seuls qui survécussent des treize enfants que lui avaient donnés ses deux femmes, ils eurent des destinées fort différentes
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